Le vent marin

by b

Le vent marin

Le vent marin, sa force égale, l’eau plate, son inexistence, le soleil, sa force par moments.

Le vent marin est ce qu’il veut être : étendue. Il n’a ni fin, ni but, ni vouloir. Il passe, vite : c’est là toute sa prise, tout son éveil. Des juxtapositions : jaune qui va s’étendre, défaire le vent toujours marin et, sans qu’il y prenne garde, il s’arrêtera. Dans la chaleur qui domine, la couleur ne se reflète pas sur l’eau. Commencements aux éclats, aux lueurs innombrables qui ne s’écrivent que sur l’eau. Couleur prête à toutes les forces, elle naquit de tous les instants des assauts, vent marin et soleil futur. Et sur la toile celui-ci aura pour figure un or éphémère à côté duquel le s trois bandes jaunes, rectilignes, traversent le tissu encore vierge. Eau, bleue, des mots qui s’allient, accaparent le regard, s’étendent sur la toile de telle sorte qu’elle est traversée par eux, couverte, presque anéantie. Pas d’ombre qui la protège, celui qui écrit est maître de tous ces jeux, ces diversions. Chaque instance pourrait se suffire et le peintre est sorti, non sans dommages, de l’écrit et du matin du monde — du moins c’est ce qui apparaît — pour qu’il n’y ait sur la toile qu’une seule force, qu’un seul plan d’insistance.

Une force de passage telle que tout arrêt est exclu, qu’elle annihile tout regard, qu’elle ne défait pas, n’isole pas. Ni l’anse, ni l’écume qui la dessine ne lui sont indispensables, ni la colline, ni les rochers à fleur d’eau ou la surplombant. Il va écrire tel qu’il sera à ce moment-là, immobile, attentif mais vif, tendu, presque sectaire, avec à sa disposition d’hypothétiques images que l’écriture va en quelque sorte faire naître, susciter, dépendance lisible et qui le fait revenir presque ce jour-là où il a été le sujet du vent marin. Rigidité des trois bandes jaunes parallèles, tracées à la règle. Elles passent sur la toile, vite, sur l’écrit noté sur le tissu. Du bleu à droite en grande étendue. Songeait-l à la mer ? En bas, cette même anse, comme un u évasé et l’on ne doute pas que ça avait été un matin d’été.

Il s’agira, pour la peinture qui résiste, d’être étendue à terre, qu’elle s’offre ainsi dans cette position : elle attend et elle est à distance. Son impudeur ne se dément pas et attire nécessairement, de telle sorte que la balle est dans le camp de celui qui regarde. Tout est pour lui à découvrir ou à défaire, ou à reprendre.
Qui regarde la toile est indécis, volontaire, prend de plus en plus de place, d’insistance, à tel point qu’il agrandit son champ d’investigation, que, ne perdant pas de vue la toile, c’est ainsi qu’il se sauve et en même temps qu’il s’égare. Il s’arrête, il dérive. Jusqu’à quand ces états le feront-ils auteur, souverain, jusque dans sa solitude ?

Georges Badin

Août 2006