Le trait du désir

by b

Un texte de Jean-Paul Gavard-Perret

« Serai-je avec qui j’aime ? O, ne pas qu’entrevoir !  » (René Char)

La ligne est en peinture comme dans la vie déjà le désir du sujet. Il faut la tenir, le faire aller mais sans retenir personne : juste l’angle de la rencontre où repart le désir montant vers l’inachèvement et reprenant les formes du corps.  Aller ainsi chaque fois à la rencontre face à la mort. C’est en quoi la peinture la ligne toujours se perd fait de nous tout sauf ces pêcheurs chers à Lacan : elle ne répond de rien du sens, n’ordonne plus de s’agenouiller et de ne reconnaître qu’un seul maître. C’est une force qui va : ligne de force, courant qui ne peut décevoir car elle ne cherche pas son sens. Elle ne cherche pas à avoir raison : elle avance. Regardée, elle va de l’avant comme une femme sortant de l’eau. Son corps nu est tenu pour paysage. Il surgit et comme elle s’étend sur une plage blanche. Liaison. Changement de décor. Aller alors jusqu’à écrire entre l’ordre et le désordre. Mais l’ordre seul du  désir contre répétition et la presque mort tandis que dans le même temps le désordre de l’inassouvissement ouvre de nouvelles terres.

Ce qui se voit sur la toile est alors, en totalité de la main du peintre, voué à la femme qui est prise temporairement pour possession temporaire de la peinture. En ce sens l’une et l’autre montrent la précarité et la certitude de l’infini. Le risque se glisse entre les images, au point de leur autogénèse. Sur la toile, lorsque la bouche est dessinée c’est seulement d’une ligne courbe et au dessous d’elle par un trait légèrement incurvé, avec dans l’espace ainsi formé une barre rouge, la plus neutre qui soit : moue, déplaisir, offrande, attente. Se rejoint à nouveau la ligne aussi continue qu’infinie, inatteignable par le sens. Peut-on aller jusqu’à une demi-courbe pour figurer une épaule ? Est-ce que du rose aiderait ce nom à prendre corps ? Rien ne sert de s’y attarder, tellement le corps paraît fragile, mais c’est là son apparence qui sauve. A partir d’elle tous les regards, toutes les pensées ont droit de cité.

Nous voici ramené vers elle (sans savoir qui au juste), parlant sa langue – cela s’est fait en douceur, sans l’avoir prévu. Des mots se dessinent sur le bout de la langue usé où le baiser du désir n’avait plus cours. Comment la reconnaître ? Car si nous nous partageons un même ciel, la terre c’est autre chose : le monde s’arrête là.   Même si tout compte fait c’est aussi une vue de l’esprit : à nous les bottes de sept lieues qui retentissent dans la mémoire pour nous rappeler qu’on a tort de souffrir, que la vie peut se rêver et que la terre est plate. Imaginer un pur espace, une imminence. N’est-ce que le repli du songe ? Ou est-ce ce que la vie déploie ?  On voudrait être  » là « , ce là : la note bleue, celle qui comme une lame ouvre l’entrée du coeur dans certains airs de Billie Hollidays.  » Songs for distingués lovers « . Peu importe si nos bêtes enfouies remontent le courant. Il n’y a rien à regretter. Seuls les imbéciles masturbent la nostalgie. La force de vie reprend le dessus. C’est l’éclair de l’être, il faut avancer aussi longtemps que la terre trop plate divise, poursuivre la lancée : il arrive parfois que de très loin le silence se rompt sur une ligne de fond.

Il ne s’agit plus de manger les dindons que les veuves d’architectes élèvent sur leur balcon, essoufflées de leur cinquantaine et affrétant des bateaux de cosmétique  pour l’oublier. Seul le peintre sait que  les pieds ocres des poêles ne transpirent pas , ils distillent leur venin  qui rend bien gélatineuses les pâles décoctions que trop de faux artistes assènent.  Derrière les murs de brique rouge  le peintre nous apprend  à parcourir des palais de bambous où l’on  croise des femmes de boulangers qui dissimulent sous des lècheries de pleines lunes le piquant de leurs rémoulades. Il quitte l’esprit de géométrie qui laisse croire qu’à tout problème (même pictural) il existe une réponse exacte.  Un  problème n’implique pas forcément de solution. C’est pourquoi il préfère nous apprendre à nous en tenir au confort de l’énoncé :  il pagaie toujours là où les problèmes prolongent un état de concubinage notoire avec des solutions douteuses. D’elles viennent, après tout, la vérité.

Montreur d’aurore du langage, slalomant entre les bâtons de l’écriture, le peintre opte pour le tour du monde plutôt que celui de sa propre casserole afin de surprendre entrain de forniquer les tontons flingueurs et les marchands de mires, en habits de jardinier avec des filles au nom de colombines et aux mains furtives qui plient en quatre les noms de villes où elles tapinent. Même né en plat pays il garde dans la tête, des montagnes, proéminences auxquelles il n’hésite pas à flanquer des bandages herniaires afin qu’y nichent les oiseaux,  C’est là masquer la solitude foncière sous un velouté de couleurs à l’assaut des nénuphars cruels sous les sapins serrés. Pas n’importe lesquels : ceux qui contiennent les plus obscurs plains-chants des fontaines d’eau vive des torrents. Sur ses bords, des dimanches il accorde aux gouffres des flâneurs de l’exotisme. Qui sait ? Certains se croient au bord de l’Amazone, d’autres rêvent d’en chevaucher, avant que, le soir venu, ils voient pleurer les yeux de leur propre biche avant de glisser immobiles sur leur lundi.

Et nous voici une fois de plus et presque malgré nous ramenés à un espace de la déposition s’agissant du corps en tant qu’objet de perte. Le secret vient une fois de plus affirmer son autorité.  Le secret au bord de la nudité du corps. Mais de quel corps s’agit-il  De qui est ce corps ? Voilà la question, la question dangereuse puisqu’il s’agit de la question de l’identité qui met en danger tout le problème de la généalogie.  Nous voici dans ce temps où notre moi pur veut se confondre avec celui des autres d’où il croit venir.  Nous voilà exposés par la ligne  à la réminiscence du vide sépulcral  mais aussi au désir. Mais le tombeau où l’on veut s’allonger est-il le bon ?  Nous sommes devant ses bijoux, ravis. Ou plutôt nous croyons l’être : mais qui  est présent à l’heure dite ?  Nos ombres passent et disparaissent. Tout secret est plus ancien que l’être et c’est pourquoi, comme les animaux, nous cherchons une cachette lorsque nous pressentons la mort. La mort réinvente ainsi le secret, le tombeau, la solitude. Et nous ne parvenons jamais à désencoigner cette crevasse de silence où tout, d’abord, est tombé en nous.

Notre mémoire ne cesse de se dédoubler pour approfondir son contenu, recouvre des possibles auxquels nous donnons le nom d’histoire : mais notre autobiographie qui oriente tout depuis son obscurité première n’est qu’un legs approximatif. Toute histoire est une fable, quelque chose de plutôt mal raconté, quelque chose qui tente de tenir debout, de tenir le coup. Notre histoire ne sera jamais rien d’autre qu’un écart. C’est cet écart qui fait de nous une fable et nous donne une figure qui  tente de lever l’hypothèse non du qui je suis mais du si je suis. Pour l’accréditer, nous convoquons les images immémoriales, les demeures d’éternité, telles les tombes étrusques qui étaient l’envers mais aussi la duplication de la maison habitée, de notre maison de l’être qui fut infectée en entrée de jeu.  Nous pouvons ainsi croire à la transparence de notre fable même si notre ensemencement nous aura fait tomber dans une étrange folie : celle d’avouer la faute LE TRAIT DU DESIR

 » Serai-je avec qui j’aime ? O, ne pas qu’entrevoir !  » (René Char)

La ligne est en peinture comme dans la vie déjà le désir du sujet. Il faut la tenir, le faire aller mais sans retenir personne : juste l’angle de la rencontre où repart le désir montant vers l’inachèvement et reprenant les formes du corps.  Aller ainsi chaque fois à la rencontre face à la mort. C’est en quoi la peinture, la ligne, toujours se perd, fait de nous tout sauf ces pêcheurs chers à Lacan : elle ne répond de rien du sens, n’ordonne plus de s’agenouiller et de ne reconnaître qu’un seul maître. C’est une force qui va : ligne de force, courant qui ne peut décevoir car elle ne cherche pas son sens. Elle ne cherche pas à avoir raison : elle avance. Regardée, elle va de l’avant comme une femme sortant de l’eau. Son corps nu est tenu pour paysage. Il surgit et comme elle s’étend sur une plage blanche. Liaison. Changement de décor. Aller alors jusqu’à écrire entre l’ordre et le désordre. Mais l’ordre seul du désir contre la répétition et la presque mort tandis que dans le même temps le désordre de l’inassouvissement ouvre de nouvelles terres.

Ce qui se voit sur la toile est alors, en totalité de la main du peintre, voué à la femme qui est prise temporairement pour possession temporaire de la peinture. En ce sens l’une et l’autre montrent la précarité et la certitude de l’infini. Le risque se glisse entre les images, au point de leur autogénèse. Sur la toile, lorsque la bouche est dessinée c’est seulement d’une ligne courbe et au dessous d’elle par un trait légèrement incurvé, avec dans l’espace ainsi formé une barre rouge, la plus neutre qui soit : moue, déplaisir, offrande, attente. Se rejoint à nouveau la ligne aussi continue qu’infinie, inatteignable par le sens. Peut-on aller jusqu’à une demi-courbe pour figurer une épaule ? Est-ce que du rose aiderait ce nom à prendre corps ? Rien ne sert de s’y attarder, tellement le corps paraît fragile, mais c’est là son apparence qui sauve. A partir d’elle tous les regards, toutes les pensées ont droit de cité.

Nous voici ramené vers elle (sans savoir qui au juste), parlant sa langue – cela s’est fait en douceur, sans l’avoir prévu. Des mots se dessinent sur le bout de la langue usé où le baiser du désir n’avait plus cours. Comment la reconnaître ? Car si nous nous partageons un même ciel, la terre c’est autre chose : le monde s’arrête là.   Même si tout compte fait c’est aussi une vue de l’esprit : à nous les bottes de sept lieues qui retentissent dans la mémoire pour nous rappeler qu’on a tord de souffrir, que la vie peut se rêver et que la terre est plate. Imaginer un pur espace, une imminence. N’est-ce que le repli du songe ? Ou est-ce ce que la vie déploie ?  On, voudrait être  » là « , ce là : la note bleue, celle qui comme une lame ouvre l’entrée du c¦ur dans certains airs de Billie Holydays.  » Songs for distingué lovers « . Peu importe si nos bêtes enfouies remontent le courant. Il n’y a rien à regretter. Seuls les imbéciles masturbent la nostalgie. La force de vie reprend le dessus. C’est l’éclair de l’être, il faut avancer aussi longtemps que la terre trop plate divise, poursuivre la lancée : il arrive parfois que de très loin le silence se rompt sur une ligne de fond

Il ne s’agit plus de manger les dindons que les veuves d’architectes élèvent sur leur balcon, essoufflées de leur cinquantaine et affrêtant des bateaux de cosmétique  pour l’oublier. Seul le peintre sait que  les pieds ocres des poêles ne transpirent pas , ils distillent leur venin  qui rend bien gélatineuses les pâles décoctions que trop de faux artistes assènent.  Derrière les murs de brique rouge  le peintre nous apprend  à parcourir des palais de bambous où l’on  croise des femmes de boulangers qui dissimulent sous des lècheries de pleines lunes le piquant de leurs rémoulades. Il quitte l’esprit de géométrie qui laisse croire qu’à tout problème (même pictural) il existe une réponse exacte.  Un  problème n’implique pas forcément de solution. C’est pourquoi il préfère nous apprendre à s’en tenir au confort de l’énoncé :  il pagaie toujours là où les problèmes prolongent un état de concubinage notoire avec des solutions douteuses. D’elles viennent, après tout, la vérité.

Montreur d’aurore du langage, slalomant entre les bâtons de l’écriture le peintre opte pour le tour du monde plutôt que celui de sa propre casserole afin de surprendre entrain de forniquer les tontons flingueurs et les marchands de mires, en habits de jardinier avec des filles au nom de colombines et aux mains furtives qui plient en quatre les noms de villes où elles tapinent. Même né en plat pays il garde dans la tête, des montagnes, proéminences auxquelles il n’hésite pas à flanquer des bandages herniaires afin qu’y nichent les oiseaux,  C’est là masquer la solitude foncière sous un velouté de couleurs à l’assaut des nénuphars cruels sous les sapins serrés. Pas n’importe lesquels : ceux qui contiennent les plus obscurs plains-chants des fontaines d’eau vive des torrents. Sur ses bords, des dimanches il accorde aux gouffres des flâneurs de l’exotisme. Qui sait ? Certains se croient au bord de l’Amazone, d’autres rêvent d’en chevaucher, avant que, le soir venu, ils voient pleurer les yeux de leur propre biche avant de glisser immobile sur leur lundi.

Et nous voici une fois de plus et presque malgré nous ramenés à un espace de la déposition s’agissant du corps en tant qu’objet de perte. Le secret vient une fois de plus affirmer son autorité.  Le secret au bord de la nudité du corps. Mais de quel corps s’agit-il  De qui est ce corps ? Voilà la question, la question dangereuse puisqu’il s’agit de la question de l’identité qui met en danger tout le problème de la généalogie.  Nous voici dans ce temps où notre moi pur veut se confondre avec celui des autres d’où il croit venir.  Nous voilà exposés par la ligne  à la réminiscence du vide sépulcral  mais aussi au désir. Mais le tombeau où l’on veut s’allonger est-il le bon ?  Nous sommes devant ses bijoux, ravis. Ou plutôt nous croyons l’être : mais qui  est présent à l’heure dite ?  Nos ombres passent et disparaissent. Tout secret est plus ancien que l’être et c’est pourquoi, comme les animaux, nous cherchons une cachette lorsque nous pressentons la mort. La mort réinvente ainsi le secret, le tombeau, la solitude. Et nous ne parvenons jamais à désencoigner cette crevasse de silence où tout, d’abord, est tombé en nous.

Notre mémoire ne cesse de se dédoubler pour approfondir son contenu, recouvre des possibles auxquels nous donnons le nom d’histoire : mais notre autobiographie qui oriente tout depuis son obscurité première n’est qu’un legs approximatif. Toute histoire est une fable, quelque chose de plutôt mal raconté, quelque chose qui tente de tenir debout, de tenir le coup. Notre histoire ne sera jamais rien d’autre qu’un écart. C’est cet écart qui fait de nous une fable et nous donne une figure tente de lever l’hypothèse non du qui je suis mais du si je suis. Pour l’accréditer, nous convoquons les images immémoriales, les demeures d’éternité, telles les tombes étrusques qui étaient l’envers mais aussi la duplication de la maison habitée, de notre maison de l’être qui fut infectée en entrée de jeu.  Nous pouvons ainsi croire à la transparence de notre fable même si notre ensemencement nous aura fait tomber dans une étrange folie : celle d’avouer la faute que nous n’avons pas commise mais dont nous sommes le fruit.

Alors pour sortir de notre tombe, nous embaumons notre propre corps même s’il doit être brûlé, même si à la fin il ne pourra subsister  qu’en poussière au mirage des ressemblances que nous aurons inventées. C’est pourquoi en une vie vivipare et ignorant même notre naissance, nous nous fabriquons une image creuse dans laquelle nous glissons notre dépouille : autour de cette image nous coulons du verre pour qu’apparaisse l’image en or à laquelle nous voulons ressembler. Mais nous devinons que la sensation la plus forte en nous est celle du retrait. Lui seul peut cacher notre secret, notre visage inconnu qui fait que nous n’aurons jamais accès à l’autre. Nous sommes ainsi l’icône replié sur lui même, nous ne restons que l’indice sans nom de qui nous impose son aura indélébile. Voilà ainsi comment se forge notre mutité : notre bouche effacée ne nous raconte jamais notre histoire tant elle est grevée d’une autre histoire qui impose la sensation d’un écho mourant mais qui ne finit pas de mourir tant la réalité de sa trace  ne cesse de convoquer notre regard, notre pensée, notre impensable.

C’est donc, d’où que nous venions, un désordre qui nous habite : la juxtaposition, la superposition  de motifs ou dans l’antre d’eux. Et lorsqu’on dira de nous – parce que nous sommes devenus âgés –  que nous tombons dans l’enfance, ce sera peut-être – à condition d’en avoir la force – le moyen de retrouver sans nostalgie ni crainte de l’avenir dans le miroir du passé  la scène qui nous enchâssa.  Cela nous permettrait enfin de poser le regard sur non ceux qui nous ont faits mais qui nous ont aimés. C’est d’ailleurs ce que nous apprend la  » folie utile  » d’Igitur : une perte impersonnelle commandait chacun de ses gestes. Mais la magie de son verbe sut donner au  » sujet  » absent son admirable absence.  Dégagé de ce lien, Igitur s’inventa pour s’habiter  loin de son hôte inférieur de lui, dont la lueur a heurté le doute. Privés de pères il  nous sera donné de nous connaître un jour : celui qui ne serait plus lié à la scène qui nous engendra.

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que nous n’avons pas commise mais dont nous sommes le fruit.

Alors pour sortir de notre tombe, nous embaumons notre propre corps même s’il doit être brûlé, même si à la fin il ne pourra subsister  qu’en poussière au mirage des ressemblances que nous aurons inventées. C’est pourquoi en une vie vivipare et ignorant même notre naissance, nous nous fabriquons une image creuse dans laquelle nous glissons notre dépouille : autour de cette image nous coulons du verre pour qu’apparaisse l’image en or à laquelle nous voulons ressembler. Mais nous devinons que la sensation la plus forte en nous est celle du retrait. Lui seul peut cacher notre secret, notre visage inconnu qui fait que nous n’aurons jamais accès à l’autre. Nous sommes ainsi l’icône replié sur lui même, nous ne restons que l’indice sans nom de qui nous impose son aura indélébile. Voilà ainsi comment se forge notre mutité : notre bouche effacée ne nous raconte jamais notre histoire tant elle est grevée d’une autre histoire qui impose la sensation d’un écho mourant mais qui ne finit pas de mourir tant la réalité de sa trace  ne cesse de convoquer notre regard, notre pensée, notre impensable.

C’est donc, d’où que nous venions, un désordre qui nous habite : la juxtaposition, la superposition  de motifs ou LE TRAIT DU DESIR

 » Serai-je avec qui j’aime ? O, ne pas qu’entrevoir !  » (René Char)

La ligne est en peinture comme dans la vie déjà le désir du sujet. Il faut la tenir, le faire aller mais sans retenir personne : juste l’angle de la rencontre où repart le désir montant vers l’inachèvement et reprenant les formes du corps.  Aller ainsi chaque fois à la rencontre face ç la mort. C’est en quoi la peinture la ligne toujours se perd fait de nous tout sauf ces pêcheurs chers à Lacan : elle ne répond de rien du sens, n’ordonne plus de s’agenouiller et de ne reconnaître qu’un seul maître. C’st une force qui va : ligne de force, courant qui ne peut décevoir car elle ne cherche pas son sens. Elle ne cherche pas à avoir raison : elle avance. Regardée, elle va de l’avant comme une femme sortant de l’eau. Son corps nu est tenu pour paysage. Il surgit et comme elle s’étend sur une plage blanche. Liaison. Changement de décor. Aller alors jusqu’à écrire entre l’ordre et le désordre. Mais l’ordre seul du  désir contre répétition et la presque mort tandis que dans le même temps le désordre de l’inassouvissement ouvre de nouvelles terres.

Ce qui se voit sur la toile est alors, en totalité de la main du peintre, voué à la femme qui est prise temporairement pour possession temporaire de la peinture. En ce sens l’une et l’autre montre la précarité et la certitude de l’infini. Le risque se glisse entre les images, au point de leur autogénèse. Sur la toile, lorsque la bouche est dessinée c’est seulement d’une ligne courbe et au dessous d’elle par un trait légèrement incurvé, avec dans l’espace ainsi formé une barre rouge, la plus neutre qui soit : moue, déplaisir, offrande, attente. Se rejoint à nouveau la ligne aussi continue qu’infinie, inatteignable par le sens. Peut-on aller jusqu’à une demi-courbe pour figurer une épaule ? Est-ce que du rose aiderait ce nom à prendre corps ? Rien ne sert de s’y attarder, tellement le corps paraît fragile, mais c’est là son apparence qui sauve. A partir d’elle tous les regards, toutes les pensées ont droit de cité.

Nous voici ramené vers elle (sans savoir qui au juste), parlant sa langue – cela s’est fait en douceur, sans l’avoir prévu. Des mots se dessinent sur le bout de la langue usé où le baiser du désir n’avait plus cours. Comment la reconnaître ? Car si nous nous partageons un même ciel, la terre c’est autre chose : le monde s’arrête là.   Même si tout compte fait c’est aussi une vue de l’esprit : à nous les bottes de sept lieues qui retentissent dans la mémoire pour nous rappeler qu’on a tord de souffrir, que la vie peut se rêver et que la terre est plate. Imaginer un pur espace, une imminence. N’est-ce que le repli du songe ? Ou est-ce ce que la vie déploie ?  On, voudrait être  » là « , ce là : la note bleue, celle qui comme une lame ouvre l’entrée du c¦ur dans certains airs de Billie Holydays.  » Songs for distingué lovers « . Peu importe si nos bêtes enfouies remontent le courant. Il n’y a rien à regretter. Seuls les imbéciles masturbent la nostalgie. La force de vie reprend le dessus. C’est l’éclair de l’être, il faut avancer aussi longtemps que la terre trop plate divise, poursuivre la lancée : il arrive parfois que de très loin le silence se rompt sur une ligne de fond

Il ne s’agit plus de manger les dindons que les veuves d’architectes élèvent sur leur balcon, essoufflées de leur cinquantaine et affrêtant des bateaux de cosmétique  pour l’oublier. Seul le peintre sait que  les pieds ocres des poêles ne transpirent pas , ils distillent leur venin  qui rend bien gélatineuses les pâles décoctions que trop de faux artistes assènent.  Derrière les murs de brique rouge  le peintre nous apprend  à parcourir des palais de bambous où l’on  croise des femmes de boulangers qui dissimulent sous des lècheries de pleines lunes le piquant de leurs rémoulades. Il quitte l’esprit de géométrie qui laisse croire qu’à tout problème (même pictural) il existe une réponse exacte.  Un  problème n’implique pas forcément de solution. C’est pourquoi il préfère nous apprendre à s’en tenir au confort de l’énoncé :  il pagaie toujours là où les problèmes prolongent un état de concubinage notoire avec des solutions douteuses. D’elles viennent, après tout, la vérité.

Montreur d’aurore du langage, slalomant entre les bâtons de l’écriture le peintre opte pour le tour du monde plutôt que celui de sa propre casserole afin de surprendre entrain de forniquer les tontons flingueurs et les marchands de mires, en habits de jardinier avec des filles au nom de colombines et aux mains furtives qui plient en quatre les noms de villes où elles tapinent. Même né en plat pays il garde dans la tête, des montagnes, proéminences auxquelles il n’hésite pas à flanquer des bandages herniaires afin qu’y nichent les oiseaux,  C’est là masquer la solitude foncière sous un velouté de couleurs à l’assaut des nénuphars cruels sous les sapins serrés. Pas n’importe lesquels : ceux qui contiennent les plus obscurs plains-chants des fontaines d’eau vive des torrents. Sur ses bords, des dimanches il accorde aux gouffres des flâneurs de l’exotisme. Qui sait ? Certains se croient au bord de l’Amazone, d’autres rêvent d’en chevaucher, avant que, le soir venu, ils voient pleurer les yeux de leur propre biche avant de glisser immobile sur leur lundi.

Et nous voici une fois de plus et presque malgré nous ramenés à un espace de la déposition s’agissant du corps en tant qu’objet de perte. Le secret vient une fois de plus affirmer son autorité.  Le secret au bord de la nudité du corps. Mais de quel corps s’agit-il  De qui est ce corps ? Voilà la question, la question dangereuse puisqu’il s’agit de la question de l’identité qui met en danger tout le problème de la généalogie.  Nous voici dans ce temps où notre moi pur veut se confondre avec celui des autres d’où il croit venir.  Nous voilà exposés par la ligne  à la réminiscence du vide sépulcral  mais aussi au désir. Mais le tombeau où l’on veut s’allonger est-il le bon ?  Nous sommes devant ses bijoux, ravis. Ou plutôt nous croyons l’être : mais qui  est présent à l’heure dite ?  Nos ombres passent et disparaissent. Tout secret est plus ancien que l’être et c’est pourquoi, comme les animaux, nous cherchons une cachette lorsque nous pressentons la mort. La mort réinvente ainsi le secret, le tombeau, la solitude. Et nous ne parvenons jamais à désencoigner cette crevasse de silence où tout, d’abord, est tombé en nous.

Notre mémoire ne cesse de se dédoubler pour approfondir son contenu, recouvre des possibles auxquels nous donnons le nom d’histoire : mais notre autobiographie qui oriente tout depuis son obscurité première n’est qu’un legs approximatif. Toute histoire est une fable, quelque chose de plutôt mal raconté, quelque chose qui tente de tenir debout, de tenir le coup. Notre histoire ne sera jamais rien d’autre qu’un écart. C’est cet écart qui fait de nous une fable et nous donne une figure tente de lever l’hypothèse non du qui je suis mais du si je suis. Pour l’accréditer, nous convoquons les images immémoriales, les demeures d’éternité, telles les tombes étrusques qui étaient l’envers mais aussi la duplication de la maison habitée, de notre maison de l’être qui fut infectée en entrée de jeu.  Nous pouvons ainsi croire à la transparence de notre fable même si notre ensemencement nous aura fait tomber dans une étrange folie : celle d’avouer la faute que nous n’avons pas commise mais dont nous sommes le fruit.

Alors pour sortir de notre tombe, nous embaumons notre propre corps même s’il doit être brûlé, même si à la fin il ne pourra subsister  qu’en poussière au mirage des ressemblances que nous aurons inventées. C’est pourquoi en une vie vivipare et ignorant même notre naissance, nous nous fabriquons une image creuse dans laquelle nous glissons notre dépouille : autour de cette image nous coulons du verre pour qu’apparaisse l’image en or à laquelle nous voulons ressembler. Mais nous devinons que la sensation la plus forte en nous est celle du retrait. Lui seul peut cacher notre secret, notre visage inconnu qui fait que nous n’aurons jamais accès à l’autre. Nous sommes ainsi l’icône replié sur lui même, nous ne restons que l’indice sans nom de qui nous impose son aura indélébile. Voilà ainsi comment se forge notre mutité : notre bouche effacée ne nous raconte jamais notre histoire tant elle est grevée d’une autre histoire qui impose la sensation d’un écho mourant mais qui ne finit pas de mourir tant la réalité de sa trace  ne cesse de convoquer notre regard, notre pensée, notre impensable.LE TRAIT DU DESIR

 » Serai-je avec qui j’aime ? O, ne pas qu’entrevoir !  » (René Char)

La ligne est en peinture comme dans la vie déjà le désir du sujet. Il faut la tenir, le faire aller mais sans retenir personne : juste l’angle de la rencontre où repart le désir montant vers l’inachèvement et reprenant les formes du corps.  Aller ainsi chaque fois à la rencontre face ç la mort. C’est en quoi la peinture la ligne toujours se perd fait de nous tout sauf ces pêcheurs chers à Lacan : elle ne répond de rien du sens, n’ordonne plus de s’agenouiller et de ne reconnaître qu’un seul maître. C’st une force qui va : ligne de force, courant qui ne peut décevoir car elle ne cherche pas son sens. Elle ne cherche pas à avoir raison : elle avance. Regardée, elle va de l’avant comme une femme sortant de l’eau. Son corps nu est tenu pour paysage. Il surgit et comme elle s’étend sur une plage blanche. Liaison. Changement de décor. Aller alors jusqu’à écrire entre l’ordre et le désordre. Mais l’ordre seul du  désir contre répétition et la presque mort tandis que dans le même temps le désordre de l’inassouvissement ouvre de nouvelles terres.

Ce qui se voit sur la toile est alors, en totalité de la main du peintre, voué à la femme qui est prise temporairement pour possession temporaire de la peinture. En ce sens l’une et l’autre montre la précarité et la certitude de l’infini. Le risque se glisse entre les images, au point de leur autogénèse. Sur la toile, lorsque la bouche est dessinée c’est seulement d’une ligne courbe et au dessous d’elle par un trait légèrement incurvé, avec dans l’espace ainsi formé une barre rouge, la plus neutre qui soit : moue, déplaisir, offrande, attente. Se rejoint à nouveau la ligne aussi continue qu’infinie, inatteignable par le sens. Peut-on aller jusqu’à une demi-courbe pour figurer une épaule ? Est-ce que du rose aiderait ce nom à prendre corps ? Rien ne sert de s’y attarder, tellement le corps paraît fragile, mais c’est là son apparence qui sauve. A partir d’elle tous les regards, toutes les pensées ont droit de cité.

Nous voici ramené vers elle (sans savoir qui au juste), parlant sa langue – cela s’est fait en douceur, sans l’avoir prévu. Des mots se dessinent sur le bout de la langue usé où le baiser du désir n’avait plus cours. Comment la reconnaître ? Car si nous nous partageons un même ciel, la terre c’est autre chose : le monde s’arrête là.   Même si tout compte fait c’est aussi une vue de l’esprit : à nous les bottes de sept lieues qui retentissent dans la mémoire pour nous rappeler qu’on a tord de souffrir, que la vie peut se rêver et que la terre est plate. Imaginer un pur espace, une imminence. N’est-ce que le repli du songe ? Ou est-ce ce que la vie déploie ?  On, voudrait être  » là « , ce là : la note bleue, celle qui comme une lame ouvre l’entrée du c¦ur dans certains airs de Billie Holydays.  » Songs for distingué lovers « . Peu importe si nos bêtes enfouies remontent le courant. Il n’y a rien à regretter. Seuls les imbéciles masturbent la nostalgie. La force de vie reprend le dessus. C’est l’éclair de l’être, il faut avancer aussi longtemps que la terre trop plate divise, poursuivre la lancée : il arrive parfois que de très loin le silence se rompt sur une ligne de fond

Il ne s’agit plus de manger les dindons que les veuves d’architectes élèvent sur leur balcon, essoufflées de leur cinquantaine et affrêtant des bateaux de cosmétique  pour l’oublier. Seul le peintre sait que  les pieds ocres des poêles ne transpirent pas , ils distillent leur venin  qui rend bien gélatineuses les pâles décoctions que trop de faux artistes assènent.  Derrière les murs de brique rouge  le peintre nous apprend  à parcourir des palais de bambous où l’on  croise des femmes de boulangers qui dissimulent sous des lècheries de pleines lunes le piquant de leurs rémoulades. Il quitte l’esprit de géométrie qui laisse croire qu’à tout problème (même pictural) il existe une réponse exacte.  Un  problème n’implique pas forcément de solution. C’est pourquoi il préfère nous apprendre à s’en tenir au confort de l’énoncé :  il pagaie toujours là où les problèmes prolongent un état de concubinage notoire avec des solutions douteuses. D’elles viennent, après tout, la vérité.

Montreur d’aurore du langage, slalomant entre les bâtons de l’écriture le peintre opte pour le tour du monde plutôt que celui de sa propre casserole afin de surprendre entrain de forniquer les tontons flingueurs et les marchands de mires, en habits de jardinier avec des filles au nom de colombines et aux mains furtives qui plient en quatre les noms de villes où elles tapinent. Même né en plat pays il garde dans la tête, des montagnes, proéminences auxquelles il n’hésite pas à flanquer des bandages herniaires afin qu’y nichent les oiseaux,  C’est là masquer la solitude foncière sous un velouté de couleurs à l’assaut des nénuphars cruels sous les sapins serrés. Pas n’importe lesquels : ceux qui contiennent les plus obscurs plains-chants des fontaines d’eau vive des torrents. Sur ses bords, des dimanches il accorde aux gouffres des flâneurs de l’exotisme. Qui sait ? Certains se croient au bord de l’Amazone, d’autres rêvent d’en chevaucher, avant que, le soir venu, ils voient pleurer les yeux de leur propre biche avant de glisser immobile sur leur lundi.

Et nous voici une fois de plus et presque malgré nous ramenés à un espace de la déposition s’agissant du corps en tant qu’objet de perte. Le secret vient une fois de plus affirmer son autorité.  Le secret au bord de la nudité du corps. Mais de quel corps s’agit-il  De qui est ce corps ? Voilà la question, la question dangereuse puisqu’il s’agit de la question de l’identité qui met en danger tout le problème de la généalogie.  Nous voici dans ce temps où notre moi pur veut se confondre avec celui des autres d’où il croit venir.  Nous voilà exposés par la ligne  à la réminiscence du vide sépulcral  mais aussi au désir. Mais le tombeau où l’on veut s’allonger est-il le bon ?  Nous sommes devant ses bijoux, ravis. Ou plutôt nous croyons l’être : mais qui  est présent à l’heure dite ?  Nos ombres passent et disparaissent. Tout secret est plus ancien que l’être et c’est pourquoi, comme les animaux, nous cherchons une cachette lorsque nous pressentons la mort. La mort réinvente ainsi le secret, le tombeau, la solitude. Et nous ne parvenons jamais à désencoigner cette crevasse de silence où tout, d’abord, est tombé en nous.

Notre mémoire ne cesse de se dédoubler pour approfondir son contenu, recouvre des possibles auxquels nous donnons le nom d’histoire : mais notre autobiographie qui oriente tout depuis son obscurité première n’est qu’un legs approximatif. Toute histoire est une fable, quelque chose de plutôt mal raconté, quelque chose qui tente de tenir debout, de tenir le coup. Notre histoire ne sera jamais rien d’autre qu’un écart. C’est cet écart qui fait de nous une fable et nous donne une figure tente de lever l’hypothèse non du qui je suis mais du si je suis. Pour l’accréditer, nous convoquons les images immémoriales, les demeures d’éternité, telles les tombes étrusques qui étaient l’envers mais aussi la duplication de la maison habitée, de notre maison de l’être qui fut infectée en entrée de jeu.  Nous pouvons ainsi croire à la transparence de notre fable même si notre ensemencement nous aura fait tomber dans une étrange folie : celle d’avouer la faute que nous n’avons pas commise mais dont nous sommes le fruit.

Alors pour sortir de notre tombe, nous embaumons notre propre corps même s’il doit être brûlé, même si à la fin il ne pourra subsister  qu’en poussière au mirage des ressemblances que nous aurons inventées. C’est pourquoi en une vie vivipare et ignorant même notre naissance, nous nous fabriquons une image creuse dans laquelle nous glissons notre dépouille : autour de cette image nous coulons du verre pour qu’apparaisse l’image en or à laquelle nous voulons ressembler. Mais nous devinons que la sensation la plus forte en nous est celle du retrait. Lui seul peut cacher notre secret, notre visage inconnu qui fait que nous n’aurons jamais accès à l’autre. Nous sommes ainsi l’icône replié sur lui même, nous ne restons que l’indice sans nom de qui nous impose son aura indélébile. Voilà ainsi comment se forge notre mutité : notre bouche effacée ne nous raconte jamais notre histoire tant elle est grevée d’une autre histoire qui impose la sensation d’un écho mourant mais qui ne finit pas de mourir tant la réalité de sa trace  ne cesse de convoquer notre regard, notre pensée, notre impensable.

C’est donc, d’où que nous venions, un désordre qui nous habite : la juxtaposition, la superposition  de motifs ou dans l’antre d’eux. Et lorsqu’on dira de nous – parce que nous sommes devenus âgés –  que nous tombons dans l’enfance, ce sera peut-être – à condition d’en avoir la force – le moyen de retrouver sans nostalgie ni crainte de l’avenir dans le miroir du passé  la scène qui nous enchâssa.  Cela nous permettrait enfin de poser le regard sur non ceux qui nous ont faits mais qui nous ont aimés. C’est d’ailleurs ce que nous apprend la  » folie utile  » d’Igitur : une perte impersonnelle commandait chacun de ses gestes. Mais la magie de son verbe sut donner au  » sujet  » absent son admirable absence.  Dégagé de ce lien, Igitur s’inventa pour s’habiter  loin de son hôte inférieur de lui, dont la lueur a heurté le doute. Privés de pères il  nous sera donné de nous connaître un jour : celui qui ne serait plus lié à la scène qui nous engendra.

C’est donc, d’où que nous venions, un désordre qui nous habite : la juxtaposition, la superposition  de motifs ou dans l’antre d’eux. Et lorsqu’on dira de nous – parce que nous sommes devenus âgés –  que nous tombons dans l’enfance, ce sera peut-être – à condition d’en avoir la force – le moyen de retrouver sans nostalgie ni crainte de l’avenir dans le miroir du passé  la scène qui nous enchâssa.  Cela nous permettrait enfin de poser le regard sur non ceux qui nous ont faits mais qui nous ont aimés. C’est d’ailleurs ce que nous apprend la  » folie utile  » d’Igitur : une perte impersonnelle commandait chacun de ses gestes. Mais la magie de son verbe sut donner au  » sujet  » absent son admirable absence.  Dégagé de ce lien, Igitur s’inventa pour s’habiter  loin de son hôte inférieur de lui, dont la lueur a heurté le doute. Privés de pères il  nous sera donné de nous connaître un jour : celui qui ne serait plus lié à la scène qui nous engendra.

dans l’antre d’eux. Et lorsqu’on dira de nous – parce que nous sommes devenus âgés –  que nous tombons dans l’enfance, ce sera peut-être – à condition d’en avoir la force – le moyen de retrouver sans nostalgie ni crainte de l’avenir dans le miroir du passé  la scène qui nous enchâssa.  Cela nous permettrait enfin de poser le regard sur non ceux qui nous ont faits mais qui nous ont aimés. C’est d’ailleurs ce que nous apprend la  » folie utile  » d’Igitur : une perte impersonnelle commandait chacun de ses gestes. Mais la magie de son verbe sut donner au  » sujet  » absent son admirable absence.  Dégagé de ce lien, Igitur s’inventa pour s’habiter  loin de son hôte inférieur de lui, dont la lueur a heurté le doute. Privés de pères il  nous sera donné de nous connaître un jour : celui qui ne serait plus lié à la scène qui nous engendra.


Un texte de Jean-Paul Gavard-Perret