« Méditations physiques » de Lucien Giraudo

by b

MEDITATIONS  PHYSIQUES (Pour Georges Badin)

1.

Tu es allongé
Et tu n’as pour une fois
Rien à faire d’autre que de bien peser
De tout ton poids
De haut en bas

2.
Mais
Tu le sais bien rien n’est plus coriace
Se détendre, être enfin décontracté
Prendre un peu plus de place
Alors lyrique je me lance
« Que tes contours se mettent à rôder plus loin »

3.
Avec
Plus de souplesse dans la matière
Et malgré la rigidité de tes os, tu pourrais grandir encore
Ne fût-ce que de vingt centimètres
Pour  attraper ainsi
Quelques cerises supplémentaires


4.
Mais
En toi tout est
Morcelé cloisonné divisé
Et d’abord cette respiration
Lamentable irrégulière venue d’on ne sait où
Qui tire à hue et à dia c’est selon

5.
Tu crois
Te souvenir cependant
Mais cela est très ancien
Qu’enfant
Une vague mauvaise de la mer
A changé en toi le cycle du souffle


6.
Et
Depuis
Il s’agit pour toi de retrouver
Cette allégresse pneumatique
Qui remonte de matrice en matrice
Jusqu’à l’origine élastique

7.
Tu sentiras
Croître bientôt
Ton cerveau ventral
Où s’archivent tous tes pas et les flux sanguins de tes jambes
Qui épousent du bas vers le haut
La cambrure du torero

8.
Maintenant
Tu te souviens qu’une orange de bleu
A sur la mer grise un jour éclaté
Avec le soleil sortant des eaux
Et ce fut un immense tableau
Sur la terre surprise

9.
Ta tête
Tu en fais le tour avec tes mains

Epousant  formes et arêtes
Tu avais oublié  la ligne de ton crâne
Et  tu trouves qu’il est  apaisant de s’en rappeler
Avant qu’il ne soit trop tard

10.
Les yeux
De l’intérieur
Suivent l’extérieur
Ils travaillent tout seuls comme un pinceau
Qui appuie ici
S’allège là

11.
Ce qui
Te permet
De bien méditer c’est le silence
Il n’est jamais complet
Car l’oreille est désir
Elle est ce papier chiffon qui boit l’encre du monde

12.
Tu émets enfin

L’hypothèse que tes mains
Se détachent des bras à la pliure du poignet
Et se mettent à
Ecrire tout ce que tu
N’écriras jamais

LUCIEN GIRAUDO