L’homme est sans qualités

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Un texte de Georges Badin

L’homme « au torse nu » est sans qualités, on ne lui donnera aucun nom pour l’instant même s’il est dit attentif ou vu ainsi, même si le cillement  a des inflexions de jeu mais, heureusement pour lui, il écrit qu’«  il délace le soutien-gorge » de sa voisine. Il ne dit pas s’il est allé vers elle sans détours, avec une intention qu’elle ne soupçonnait pas. Personne n’assistait à la scène,  mais est-ce lui, le poète, qui nous persuade qu’il a dégrafé le corsage?  Il a ajouté à son geste des mots et surtout le vouloir-écrire pour ne rien laisser au hasard,  une décision, une vue qu’il ne peut pas perdre sans l’acte de défaire le soutien-gorge. La plage désertée par les cris,les  paroles,les  nudités (« indécentes vacances »), tant le désir (d’elle) l’emportait. Ainsi le poète avait brutalisé, chassé le premier homme, en ne perdant pas de vue le poème.  « Le Temps règne en souverain maintenant » (Baudelaire « La Chambre double » Le Spleen de Paris). Midi, là, dans sa chaleur qui descend vers eux. Bleu comme l’emploiera le peintre, outremer devenu eau où s’ immerger. L’amoureuse en secret reconnaît Michel Butor. Sait-elle par lui qu’elle a la vie sauvée ? Quant au poète, il s’arrête sur qui perd gagne, un jeu dont il ne sait plus les tours mais ses voyages par les livres qu’il en rapporte lui font côtoyer ce jeu nouveau. S’il exagère, c’est comme chez Poussin, dans Les Quatre saisons, pour donner au printemps son surcroît de mots. Il pourrait écrire aussi : « Je n’ai rien négligé ».
Georges Badin
05 / 04 / 2009