Saint-Ferréol

by b

A propos de la journée qui volait à Saint-Ferréol, vive, errante, respirante : des interrogations, autant de défis

Où sommes-nous ? Que voulons-nous ? Dès que l’on quitte la route, ces questions tombent sitôt le chemin de terre emprunté. Trop de fleurs blanches dans les cerisiers ou peut-être pas assez, en suspens, et la vigne et l’herbe font un espace comme un tapis ; un bois de chênes-lièges avant la montée paraît sans seuil, on imagine qu’il y aurait autant d’endroits habitables avec la permission du faune. Ce n’est que terre et l’horizon sera peut-être au prochain détour.
Points ou taches sur le ciel, sans mouvements, qui occupaient toute une surface blanche, et celle-ci a pris le passage de l’enfant pour un avènement. Et plus loin les chênes-lièges par le rouge brun des troncs, peu espacés l’un de l’autre, prenaient le relais de la couleur. Ils se joignaient au désir des enfants qui déjà voulaient à leurs côtés une cabane, sinon une maison.
Ondine de Ravel : quels liens avec le tour qu’il faisait de l’Ermitage ? Les dernières notes évitent une fin certaine mais la reprise attendue de la musique est une suite à cet achèvement apparent. Rêverie de Debussy : là comme dans les tours et détours des enfants – la chapelle-oppidum en est le centre – la rêverie au présent a une mémoire. Poursuites, escalades, des peurs parfois, des arrêts pour savoir où aller, des sons, des rythmes écoutés plus tard se joignent, se séparent, s’éternisent pour les enfants qui les considèrent, foyers où le langage ne refuse aucune naissance, où la beauté a ses couleurs, ses cinq sens, pour des plaisirs. Le poème « Pourquoi la journée vole » était déjà à leur côté dans ce lieu fortifié.
Aller du cri à la musique en passant par le son, de la surprise à la stupéfaction et nous revenons sur les lieux des enfants, du bas du mur à l’escalade par les pierres disjointes.
Ce temps est hors de l’usure, avec ses couleurs inaltérables : bleu, du vert au-dessous, du jaune au loin. Sa disparition n’a pas droit de cité, il est sans aucun genre, retenu par la mémoire, l’imagination, absence d’où viennent à l’esprit tous ses plaisirs.
Une simplification : ne s’attarder que sur les noms, la montagne, la vigne sur beaucoup d’étendue et le vert des arbres et des prés pour que le bleu enfin les borde. Quel est, de ce lieu de couleurs avant tout, l’ordonnateur suprême dont on croit qu’il a élu domicile dans le tabernacle ?
Quand ils arrivaient, et la croyance est de rigueur, ils disaient qu’ils faisaient une exploration, qu’ils préféraient les murs et les rochers hauts, que l’escalade ne finissait pas en règne.
Devant le bois, la maison, dans un désir ininterrompu, aurait sur la porte d’entrée deux ouvertures en forme d’yeux, remède contre l’égarement dans le couloir jusqu’à la cuisine assez lointaine, et une grande verrière où la lumière ferait déjà un ciel bleu.
Que vaudront les regards des enfants, arrêts momentanés devant tous les paysages alentours ?

G. Badin/ octobre 2009