Corps traversé par Dominique Sampiero et Georges Badin

by b

Un livre comprenant des peintures originales de Georges Badin et des textes manuscrits de Dominique Sampiero paru dans la collection mémoires d’Eric Coisel.

à Eric Coisel

Papiers gras sur la pelouse

Les pelouses interdites des grands parcs et des Centre-ville sont d’autant plus attirantes qu’elles deviennent rares et qu’on a envie d’y pique-niquer, d’y faire l’amour ou de s’y vautrer. Bref c’est de plaisir, de désir et de tentation dont il s’agit.
Mes lignes manuscrites collées les unes aux autres comme des papiers gras avancent dans cette blancheur du livre pour raconter les gens et leurs repas de chair ou de silence. Leur appétit féroce de vivre, de mourir. Ou de croire au dieu de la rumeur et de la sainte consommation qui les précipite et les bouscule chaque jour dans le grand fleuve des supermarchés, du boulot métro dodo dont ils sortent apaisés par épuisement.
Corps traversé traque, dans le geste d’écrire, le tourbillon, la danse initiatique s’emparant des mains dans la prière, le désir ou le bouleversement émotionnel. Il faut entendre le mot « danse » comme mouvement vers et avec, à l’intérieur et à l’extérieur de, au centre et à la périphérie. Il faut l’entendre comme une perte des contours, un évanouissement conscient inconscient. Ou une sortie brutale du coma. La danse des derviches ou des sorciers africains fait corps, l’instant de son déploiement, avec une présence invisible puissante voire terrifiante dont l’apparition se manifeste en spirales d’air et de lumière. En spasmes et en tremblements dans le grand cirque du sang, des muscles et des nerfs. Depuis des siècles, notre société a bâillonné idéologiquement le corps dans l’attitude pieuse et raisonnable qu’exigent de nous toutes les églises ou toutes les morales. Obéir, prier, se repentir. En attendant un Eden qui ne revient jamais certains se réfugient dans l’inertie blanche de leur dépression. Il nous reste l’espace raréfié de l’écriture manuscrite et du livre pour renaître, expérimenter l’autre corps en nous que la récupération mystique nomme le corps divin. Corps écarquillé, corps exalté, corps joyeux.

Mai 2012
Dominique Sampiero

Mai 2012
Dominique Sampiero