Georges Badin

La peinture de Georges Badin

Le petit interview intempestif de : Georges Badin par Jean-Paul Gavard-Perret

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’hiver, ce qui me fait me lever, c’est le réveil : 6 heures ou 6 heures et demie. « Du mécanique plaqué sur du vivant ».  Le printemps comme l’été, c’est le tilleul face à la fenêtre de la chambre et tous les apports de lumière, de couleur, de feuilles et de branches qui m’assistent. Longtemps ce furent deux couleurs dans le ciel, le bleu et le jaune et dans ce temps suspendu qu’elles me proposaient, j’aurais pu déjà emprunter le titre de Bonnefoy « La Beauté dès le premier jour ». Et cette nudité là, à toi, la couleur émouvante, aussi longtemps que durent l’été, son feu.

Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Si on lit mes textes ou si on regarde mes peintures sur de nombreux supports, on se dira que je n’ai eu aucun « rêve d’enfant » mais des passages dans des lieux : le jardin, la serre, le bassin, le magnolia dont les fleurs blanches ornaient presque la fenêtre. Ces lieux sont devenus autant de moments de peinture et de dessin : du temps retrouvé. Il y eut aussi un espace plus grand, « La Clapère », quatre -vingt hectares avec la rivière, le gouffre, ses rochers, ses collines : Eros était de ces fêtes.

A quoi avez-vous renoncé ?
Je n’ai jamais employé ce verbe « renoncer » qui sévirait si par hasard je voyais sa faux comme la mort a la sienne. Si j’écris « Je n’ai jamais renoncé à quoi que ce soit »,  je ne dis pas la vérité. J’ai appris peu à peu, en marchant dans la rivière sur des kilomètres, que je ne renoncerai ni dans l’écriture ni dans la peinture à noter tout d’elle : son parcours, sa noirceur éclatante, sa disparition. Il y aurait encore cette voûte, céleste ou pas, au-dessus de toutes les présences, odeurs, images ou cris, oiseaux. Je m’approche, en rêve, de Michel-Ange qui, par la tache violette, son manteau, était, sur le plafond de la chapelle Sixtine, rival du « Dieu hargneux » selon Stendhal et pour moi je tente d’être au ciel et sur terre, autant de haltes qui seront retenues.
Ce qui m’étonne, c’est, dans les corridas par dizaines, de ne pas avoir succombé – mort dans l’après-midi – aux cornes du taureau depuis le temps que derrière la barrière, j’observe, je prends la cape.

D’où venez-vous ?
Je vais ajouter  à cette interrogation un nom pour moi souverain : le lieu. Je n’ai pas besoin d’y revenir. Les textes qui sont sur mon site le nomment, le parcourent, ne répondant jamais, et c’est un bienfait, à toutes ses questions.

 Qu’avez vous dû « plaquer » pour votre travail ?
Je n’emploie pas non plus ce verbe « plaquer » qui pourtant a des attraits : la plaque d’entrée dans tous mes paradis.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
De quels « autres » artistes s’agit-il ? Ce n’est pas à moi à donner des noms. Je les laisse dormir, somnoler pour certains, ceux ou celles qui ont réponse à tout ou seulement ceux ou celles qui ont sur leur palette une seule direction ou formule. Je voudrais donner des noms, dire ce qui nous sépare, déjà une bande de terre noire infranchissable : ce serait éclairer quelques secondes des vies minuscules.

Où travaillez vous et comment ?
Dehors et dedans.

Quelles musiques écoutez-vous en travaillant ?
Des lieder de Schubert je retiens ce que lui veut nous faire entendre, indéfiniment presque, comme si l’insistance devait se transformer en prière, en empressement. Une descente comme par un chemin de montagne, sur lequel les pas vibreraient comme des notes. Si je dis « histoire », Robert Schumann complète, prend l’amour comme fil d’Ariane. J’en sors, après qu’il a été présent dans tous ses visages d’amoureux, prêt à des affrontements de même nature sur les pages du carnet puis sur les toiles.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Lettera amorosa », Char, l’été, la chaleur contre nous.

Quelles taches ménagères vous rebutent le plus ?
Le repassage.

Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Aujourd’hui « Le jardin » dans Raturer outre (Yves Bonnefoy) dévide, parcourt ce que j’avais près de moi dans le jardin  d’alors : « puisque un enfant / Tire de l’eau dans un bassin de pierre, / Pour effrayer au fond quelques insectes. » Les ronds qui couvrent la toile, chacun d’eux bleu comme l’eau, tour à tour m’éloignent et me rapprochent de ce bassin.

 Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
D’abord je raie allègrement le mot « anniversaire » chaque année avec le plus de rage, de calme quelquefois, de la volupté surtout et si Zeus m’exauçait je lui demanderais de biffer plusieurs dizaines d’années de mon âge.

Que défendez-vous ?
Je suis sans défense et j’attaque.

Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Oui, Lacan rêve d’un dénuement – femme ou homme sans vêtements – pour être souverain parmi eux et divin face au divan.

L’or bleu par France Burghelle-Rey et Georges Badin

Ce livre est paru en avril 2010 en trois exemplaires dans la collection Mémoires d’Eric Coisel. Il comprend des textes manuscrits de France Brughelle-Rey et des peintures originales de Georges Badin (27x19cm).