Sans jamais sortir de la chair par Joël Bastard et Georges Badin

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Sans jamais sortir de la chair vient de paraître dans la collection Mémoires d’Eric Coisel. Ce livre manuscrit en trois exemplaires comprend des peintures originales de Georges Badin.

Dans le rai de lumière, l’histoire de l’éveil du monde. C’est mon souffle dans l’atelier. Autour, le vacarme des oiseaux agités d’azur et d’ivresse.

En ouvrant le cahier, un insecte minuscule, ne cherchons pas son nom, rien que cela, un insecte minuscule et le grondement de mon stylo pour cheminer dans la nuit douce de juillet.

Nous ne parlerions plus si nous savions ce que nos mots incarnent véritablement. Morceaux de chair que nous déposons sur un mur pour ceux qui passeront là. Pour les bêtes aux yeux nacrés, aux lèvres sanglantes.

Un vieux chêne grince une chanson funèbre. La pourriture au cœur de l’aubier. Il tombera bientôt emportant le lierre qui encore une fois s’est trompé de chemin.

Un mauvais jour, nous nous sommes mis à tout suspecter, jusqu’à la superficialité des fleurs. Leur apparence trompeuse.

L’oiseau recommence des verdures. Fermant les yeux nous pouvons choisir aujourd’hui son paysage.

Souvent dans l’ombre des maisons, avant qu’elles ne se replient sur le dernier souffle d’un homme, des froissements s’étiolent parmi les gestes limités. Un drap s’étire, un robinet goutte dans l’obscur, une scolopendre humide arpente avec naïveté un mur. Ce que l’on retient alors, c’est une porte contre laquelle cogne avec insistance une nature pressée.

Ce n’est pas un mur, les yeux fermés. C’est de la chair. De la chair. De la chair. Et cet esprit qui ne sait dans quel coin se rafraîchir. Là-dedans, sans jamais sortir de la chair.