Donner corps à la fusion par Joël Bastard et Georges Badin

Ce livre comprend des toiles originales réalisées par Georges Badin et manuscrites par Joël Bastard.

DONNER CORPS À LA FUSION

Des jours et des jours à feuilleter l’éphémère.
À compter sur l’or, à égrener sa terre.
À rester debout interdits parmi les élans verticaux.

Aussi nous nous sommes couchés bien souvent
dans les pierres. La chair qui s’y trouvait
nous consolait des blessures.

Des jours et des jours à faire
et à défaire la trame des échanges.

Nous voulions plus de sperme et de cyprine
au contact des chers disparus.

Des jours et des jours à écarter
le grand rideau pour faire place
au jeu évident de la lumière.

Nous attendions la fin du spectacle
pour applaudir le sang, l’incertitude
et le balancier grinçant des sables.

Des jours et des jours à griffer nos organes
aux pontons de granit. À polir nos intentions.
À garder le secret de certains vocables.

Des jours et des jours à émietter le ciel.
À parler de ce qui n’a pas de raison.
À libérer l’armoire ancienne
de son ombre la plus lourde.

Nous aimions nous baigner dans le plus transparent.

Des jours et des jours à rougir devant l’impossible.
À tenter de passer par le repoussant, s’en convaincre.
À prévoir la plus proche souffrance
et son inéluctable empreinte.

Nous ne prenions plus le plus court chemin
pour aller du noir au blanc.

Des jours et des jours à dresser le tableau
pour parfaire l’orgasme de décorations inutiles.

Nous attendions sereinement le pire des ennemis.

Des jours et des jours à nous vautrer dans le cosmos.
À louvoyer dans l’espace, à perdre la raison.
À faire de la profondeur le trou noir d’un baiser.

Nous savions d’où nous venions. Ce qui ne nous
empêchait pas de tenter la cosmogonie intime et singulière.

Des jours et des jours
à discuter avec les flammes actives.
À brûler avec elles. À verser des larmes insignifiantes
pour tenter d’éteindre l’incendie.

Nous comptions sur le manque d’oxygène
pour donner corps à la fusion.

Des jours et des jours à combattre les fantômes.
À repousser les morts au fond de leurs os.

Nous espérions dévorer le visage de l’amour
avec l’espoir infantile de le garder au plus près.

Des jours et des jours à croiser nos accents,
nos vérités les plus fragiles, nos espoirs les plus provocants.

Nous exposions nos œuvres devant le plus grand nombre.

Des jours et des jours à perdre du terrain.
À voir s’avancer le manque d’aspect, le mur vide.

Achevé d’écrire le 29 mars 2013 en Beule par Joël Bastard