Georges Badin

La peinture de Georges Badin

La clapère

Un texte de Georges Badin, février 2007

Les positions de l’amour jusque dans les toiles, lues seulement par vous.

La peau pour le moment sans qualités, ici comme elle pourrait être dans un autre lieu, et cela n’est pas écrit dans un temps. Du rose, là, sans raison, acceptation de sa part, au brun pour n’avoir pas à résister. Le bleu et le vert, feuillage et ciel, voûte protectrice que la peau reconnaît.  Peu à peu s’il y a des regards, ils sont d’un côté comme de l’autre, c’est-à-dire du lieu au corps, doux, éphémère et peut-être cherchant à prendre une assise. Le feuillage dans ses entrelacements a le pouvoir d’étendue sur la peau elle-même, peut-être par un frôlement imaginé et le désir serait dans ce cas le protagoniste, écartant toute autre caresse. La pensée serait dans toute la surface lisse ou ondulante de la nudité brune et l’échange se fait ainsi sans mots, sans qu’il y ait de volonté, uniquement dans le désordre de la prolifération. Si l’eau couvre par hasard le dos jusqu’aux jambes, elle vainc toutes les sensations en myriades pour ne laisser  qu’une chaleur unique comme un aplat en peinture après la vivacité d’un trait.

Lieu toujours en usage,  au début de l’après-midi, avec  le feuillage, la pierre, l’eau de jour et s’il s’en sépare, il n’osera pas prononcer ce mot, de peur que celui-ci n’envahisse cet éloignement et qu’il ne finisse par s’en accommoder (léger reflet qui ne donne aucune image malgré les couleurs présentes, changeantes) : disparition. Une image entrouverte : la vague, peu importe sa hauteur, lui fera face, écume et eau confondues, avant de s’étaler sur le sable, de s’y mêler, et là disparaître fait partie de la succession chaque fois nouvelle.  Il ne s’arrêtera pas, précisément là où il a tendance à être en attente pour observer, les coudes sur la balustrade, ce qui a lieu maintenant dans ce nouveau paysage.  La toile à force de passages, eau et colorant blanc, est presque devenue peau, c’est-à-dire souplesse pour que tout ce qu’elle va recevoir comme images soit ciel, feuillages, pierres, eau, visible et lisible dans le domaine de la peinture : la mémoire a agi comme détachée du peintre qui est intervenu sans effort.

Dans un état tel qu’il pourrait paraître en perdition, lorsque le moment n’a qu’une seule ornière, il semble que le désir, dans son incertitude, le mène à une espérance.

Ne pas délaisser les mots-éclats, les mots-sons, les mots sans vie, épars dans la séparation, afin que le bois, que les feuilles sur les branches, que l’eau,  que les pierres soient sur la toile, elle-même prête à toutes les lectures, à tous les retours en arrière des regards.

S’il passe du côté de la résistance, il emploiera l’offense contre de tels mots qui viennent à l’improviste : « L’insensé est dans la vérité atteinte, comme possédée, aussitôt perdue, défaite et béante, et l’égarement, l’affolement qui s’ensuit. » (Jean-Luc Nancy, Le sens du monde).

Georges Badin, février 2007

Lieux d’eau

Un texte de Georges Badin, janvier 2007

Si j’ai le désir de revenir sur un lieu, pour le moment je n’ai aucun repère, aucune image, je ne souhaite rien et ce que je veux, c’est que l’hésitation soit ma seule directive. Ce serait tourner autour d’une seule image, le plus souvent possible, ce qui revient à dire ne pas s’y arrêter, afin que le temps de la peinture, comme celui de l’écriture si je prenais le parti de la narration, soit le plus présent possible. Je souhaite le plus possible être dans la fable, c’est-à-dire dans le sens qui peut paraître unique si on regarde la page mais qui ne l’est plus si l’on feuillette le livre ou le carnet. Avec certitude les éléments qui constitueront le dessin ou la peinture seront dans une grande mesure le plus près de ce qu’ils sont : les couleurs et les choses. Voilà un premier désir.

L’auteur, à son corps défendant, sera si peu dans la ressemblance que la pierre sera rouge ou jaune, c’est dire qu’elle prendra les couleurs de la lumière, que le corps n’aura été que deux courbes qui se joignent, que l’eau ne sera connue que par ses passages inégaux sur la page, bleus à coup sûr, que le feuillage ne dira qu’entrelacements et apparition succincte. L’embellir ? La restituer telle qu’elle fut ? Vouloir ne pas s’en séparer ? Indéfiniment en butte à ce qui est, destiné à naître, prendre forme, passer de l’inertie à une vie. L’interrogation, du moins le signe qui la traduit un peu comme une oreille, influence, fait dériver, attendre, prolonge l’image même si elle met l’auteur en position de l’emporter, lui donnera la possibilité de faire des variations nombreuses pour ne pas avoir à choisir.

Deux lieux : l’un dans la nature, l’autre sur la page ou la toile. Que serait l’auteur sans le désir dont la navigation au long cours est retenue dans les filets (mailles) du peintre et de son modèle ?

Dans le face à face avec ce qui a vie (et refuse une immobilité sans effusion), dans le survol que fait l’oiseau sur toute matière, toute vue, tout état, il semble que le peintre ou l’écrivain ne fasse aucun choix, qu’il soit confronté à tous ces errements et en fin de compte à son corps ici et maintenant, de telle manière que le paysage sera le corps de celui qui écrit ou peint.

Espace à découvert, tous les éléments qui le composent sont à leur place d’habitude, éclairés, offerts sans pudeur. Dans une attente qui n’est pas voulue mais se révèle nécessaire lorsque la blancheur du papier ou de la toile sera à sa disposition. D’où pour l’auteur la nécessité désormais souveraine de prendre une distance vis-à-vis des corps naturels, feuilles, eau, pierres, des couleurs qui s’y rapportent et du corps mobile pour les mettre le plus à distance possible de lui-même et ainsi les rendre autonomes sur chaque toile, sur chaque feuille toujours dans le temps présent. Chaque fois serait la première.

Deux lieux, dans une expectative, accueillant les sensations sans distinction. Des toiles aux textes : des profondeurs, des envols, des va et vient.


Georges Badin, janvier 2007

Georges Badin à la foire d’art contemporain de Strasbourg – St-art, du 24 novembre au 27 novembre 2006.

La Galerie Lucie Weill & Seligmann sera présente à la foire d’art contemporain de Strasbourg – St-art, du 24 novembre au 27 novembre 2006 et exposera des toiles de Georges Badin.

Plus d’information sur cet événement…

Toile de Georges Badin – Editions UNESCO/DEL

L’UNESCO édite une carte de voeux avec une photo d’une toile de Georges Badin.

L’UNESCO édite une carte de voeux figurant la toile « Champs de Mimosas » de Georges Badin.

Pour plus d’informations :
Editions UNESCO/DEL

19 rue du Pont aux Choux
75003 Paris
Tel: 01 48 87 24 09
par mail: contact@voeuxunesco.org

Le vent marin

Le vent marin

Le vent marin, sa force égale, l’eau plate, son inexistence, le soleil, sa force par moments.

Le vent marin est ce qu’il veut être : étendue. Il n’a ni fin, ni but, ni vouloir. Il passe, vite : c’est là toute sa prise, tout son éveil. Des juxtapositions : jaune qui va s’étendre, défaire le vent toujours marin et, sans qu’il y prenne garde, il s’arrêtera. Dans la chaleur qui domine, la couleur ne se reflète pas sur l’eau. Commencements aux éclats, aux lueurs innombrables qui ne s’écrivent que sur l’eau. Couleur prête à toutes les forces, elle naquit de tous les instants des assauts, vent marin et soleil futur. Et sur la toile celui-ci aura pour figure un or éphémère à côté duquel le s trois bandes jaunes, rectilignes, traversent le tissu encore vierge. Eau, bleue, des mots qui s’allient, accaparent le regard, s’étendent sur la toile de telle sorte qu’elle est traversée par eux, couverte, presque anéantie. Pas d’ombre qui la protège, celui qui écrit est maître de tous ces jeux, ces diversions. Chaque instance pourrait se suffire et le peintre est sorti, non sans dommages, de l’écrit et du matin du monde — du moins c’est ce qui apparaît — pour qu’il n’y ait sur la toile qu’une seule force, qu’un seul plan d’insistance.

Une force de passage telle que tout arrêt est exclu, qu’elle annihile tout regard, qu’elle ne défait pas, n’isole pas. Ni l’anse, ni l’écume qui la dessine ne lui sont indispensables, ni la colline, ni les rochers à fleur d’eau ou la surplombant. Il va écrire tel qu’il sera à ce moment-là, immobile, attentif mais vif, tendu, presque sectaire, avec à sa disposition d’hypothétiques images que l’écriture va en quelque sorte faire naître, susciter, dépendance lisible et qui le fait revenir presque ce jour-là où il a été le sujet du vent marin. Rigidité des trois bandes jaunes parallèles, tracées à la règle. Elles passent sur la toile, vite, sur l’écrit noté sur le tissu. Du bleu à droite en grande étendue. Songeait-l à la mer ? En bas, cette même anse, comme un u évasé et l’on ne doute pas que ça avait été un matin d’été.

Il s’agira, pour la peinture qui résiste, d’être étendue à terre, qu’elle s’offre ainsi dans cette position : elle attend et elle est à distance. Son impudeur ne se dément pas et attire nécessairement, de telle sorte que la balle est dans le camp de celui qui regarde. Tout est pour lui à découvrir ou à défaire, ou à reprendre.
Qui regarde la toile est indécis, volontaire, prend de plus en plus de place, d’insistance, à tel point qu’il agrandit son champ d’investigation, que, ne perdant pas de vue la toile, c’est ainsi qu’il se sauve et en même temps qu’il s’égare. Il s’arrête, il dérive. Jusqu’à quand ces états le feront-ils auteur, souverain, jusque dans sa solitude ?

Georges Badin

Août 2006

Triptyque

Triptyque, Manifestation d’art contemporain à Angers

Du 7 octobre au 19 novembre 2006, la manifestation Triptyque (Apparence, Transparence, Présence) à Angers. Georges Badin y sera exposé à l’hôtel de ville.

Vernissage le vendredi 6 octobre 2006.

Toiles de l’été 2006

4 toiles format 1,5m x 2m peintes pendant l’été 2006

Texte sur le Jardin Catalan de Georges Badin

Texte sur le Jardin Catalan, avec Michel Butor … en correspondance

Renoncement, s’il y a lieu d’y croire, on ne peut attribuer la faute à un être ou à un lieu, à un état, l’enfance par exemple, qui en serait responsable. Et pourtant la naissance est là : le jardin de l’enfance avec ses carrés, le seringa, le magnolia sur lequel l’enfant montait pour voir l’ensemble du jardin et lire. Pas d’exactitude, aucun jugement, un état d’innocence qu’habitent le jardin et l’enfant. Le paradis par la suite peint, incomplet pourtant avait son origine dans ces années-là. Et il a fallu abandonner toutes ces références pour que le paradis prenne vie et aille ailleurs pour raconter une histoire pour chacun. Du singulier là-bas, autrefois à ici et maintenant, partout et toujours, pour tous. Pour que cette réserve de beauté et de vérité serve l’histoire de chacun. Le poète est venu au secours du peintre sans le prévenir, il a écrit le mot « jardin » et ce qui est devenu vivant,
actuel a été écrit, noté par des couleurs et par des lignes – une ouverture, une disposition à être, à donner à lire, même à ceux qui sont éloignés de ce lieu passager -. Qu’est-il devenu cet éden ? Chaque lecture, chaque regard le dira, l’écrira à son tour, lui donnera des couleurs.

Jaune : prendre naissance, c’est-à-dire s’élever, ne jamais être au faîte et puis, si on attribue un vouloir à la couleur, elle occupe toute la place, ne laisse aucun interstice dans son étendue. Toucher la peau serait aller et venir, ne pas s’arrêter, peut-être à l’exemple du poète qui va s’emparer du désir, le faire homme ou femme ou les deux et surtout les faire apparaître au point qu’ils ne sont que la phrase simplifiée qu’ils entendent : Dieu, c’est la couleur et ils n’y ont pas cru, c’est là peut-être leur péché, dit le poète, alors que l’histoire raconte qu’ils ont péché parce qu’elle a mangé la pomme et a ainsi obéi au serpent qui se trouvait là par hasard. Ecrire, peindre trouve ici son origine et le poète comme le peintre ne cessent d’être dans ce poiein, glissement sans cesse parce qu’il est toujous à faire, avec cette « insurrection de l’imaginaire » (E. Glissant) qui en est le moteur

Vous demandez s’il y a fusion entre l’écrit et la peinture. J’emploierai plutôt le mot « écart » (qui est le nom de la maison de Butor à Lucinges). Ce mot donne à lire les rapprochements entre les images (couleurs, dessins par les lettres) et les mots qui en créent aussi eux-même. Je veux mettre l’accent sur l’inachevé, ce qui va toujours suivre. Je prendrai un exemple dans la musique : un motet de Vivaldi que j’ai entendu dernièrement où la voix et la musique avec si peu de notes, presque des répétitions voulues, étaient en parallèle sans jamais se confondre. Ecart du désir, fusion souhaitée mais jamais accomplie, comme en amour : on ne devient jamais l’autre. Je reprends mon histoire avec la couleur et le paradis : le jaune et le bleu semblent souverains presque, analogiques de deux dieux presque. Il y a une suite que je veux dans cette juxtaposition intitulée « Eté paradisiaque ». Le plaisir ici, celui du texte de Butor et celui de la peinture, ne se confondent pas. Celui qui regarde en crée un autre.

Vous avez écrit le mot « paradis » et j’y ai souvent pensé sans parvenir avec deux couleurs à en donner une image: jaune et bleu. Ces deux couleurs suffisaient-elles à dessiner Adam et Eve avec leurs désirs, leurs hésitations, leurs incertitudes, leur esprit de domination? Sollers emploie le verbe « exagérer » à propos de Poussin et de son Printemps : cette qualité vous est-elle apparue dans mes tentatives? Il faudrait poursuivre et dire ce que ce verbe annonce, dévoile, écrit. J’en appelle aux poètes, à Butor par exemple.

Figuratif, au masculin comme au féminin, ce ne serait qu’un adjectif qui tracerait des lignes imaginaires (enfin, on les pense telles) mais pour aller vers où, aboutir à quoi, être lisible pour quelques-uns. Il y aurait appel réciproque entre ce qui est donné et le trait, entre l’intention et le dessin et peut-être pourrions-nous décrire ce passage : après les cailloux, le sable, on avance, l’herbe, elle est verte mais d’un vert qui a subi des atteintes , et des chardons avec leur fleur piquante d’un bleu déjà annonciateur de la mer. Toujours la synesthésie, dans la marche et le désir d’atteindre l’eau. Et lorsque la mer apparaît le même événement a lieu : deux couleurs qui se superposent, s’étalent, jaune/bleu, ocre du sable/blanc de la vague. Selon le mot de Benjamin Constant, « de la constance dans l’inconstance ».

Plus tard …

Aussi loin que le regard se porte, sujets et écriture s’allient – est-ce dire qu’ils sont indissociables ?-et l’écriture semble se faire miroir, elle regarde, elle est regardée. S’il y a séparation, c’est à un niveau conceptuel et la « puissance d’être » (Spinoza) aborde aux rives du profane et du sacré qui, selon Deleuze, irriguent toute écriture. Le poète rêve d’une halte souveraine, celle de la couleur qui serait indestructible, tandis que le poème fait se succéder les passages vite effacés de l’écriture et qu’il préfère profaner, défaire, désunir l’admissible, ce qui se présente comme établi, et finalement ces mouvements, cette volonté de ne pas tenir en place sont une tentative pour rejoindre la couleur pure et ainsi le peintre et le poète partagent la même obsession, celle de l’unité.

Les mots de Butor, en réponse : « Très beau votre texte : le jardin au bord de la mer, ,l’enfant sur le magnolia, tout cela passe admirablement dans votre peinture. J’essaie d’en capter et d’en renvoyer quelque chose.  »

Georges Badin

Le Jardin Catalan

Réalisé en collaboration avec Michel Butor.

En vente à la Galerie Berthet-Aittouarès
29, rue de Seine 75003 Paris (tél. 0143265309 / fax 0143269566)

La rencontre de Michel Butor et de Georges Badin est celle de deux recherches qui, s’exprimant sur des supports distincts, procèdent néanmoins des mêmes exigences expérimentales. La littérature n’est pas ici l’Autre de la peinture : le texte n’est pas plus commentaire que la peinture n’est illustration.

Les mots et les couleurs, les phrases et les formes se font échos, s’interpellent, se démobilisent réciproquement pour inventer un dialogue de la déconstruction qui maltraite l’évidence.

Dix livres uniques « Le jardin catalan » : chacun comporte six poèmes manuscrits, un collage de Michel Butor et, en regard, six peintures originales de Georges Badin.

Voir le texte de Georges Badin sur le Jardin Catalan.

Livres pauvres

Livres pauvres en collaboration avec Daniel Leuwers, Michel Butor et Max Fullenbaum